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revue TOTH
24 février 2009

TOTH 01 : Roland Sabatier, "Partie de discours : refutatio"

Partie de discours : refutatio

1973, encre sut toile (15 X 21 cm) et mine de plomb sur les cimaises.



INSTALLATION :

La petite toile est encadrée et fixée sur une cimaise, bien mise en valeur à proximité de l’entrée du lieu d’exposition.

Sur les différents autres murs de ce même lieu des rectangles identiques seront tracés à la mine de plomb de manière à permettre à des visiteurs qui le désireront de reproduire l’œuvre placée en référence dans l’agrandissant imposé.

S’il est souhaitable que chaque intervenant réalise seul une copie, il reste néanmoins possible que plusieurs d’entre eux puissent, s’ils le désirent, se regrouper pour exécuter ensemble des détails ou segments d’une même reproduction.

Dans tous les cas cette dernière sera mise en oeuvre par tous les moyens désirés à l’aide de tous les manières ou interprétations possibles.

A la fin, chaque réalisation sera signée par son ou ses auteurs puis barrée (réfutée) d’un trait rouge diagonal par l’auteur principal.

Le 18 février 1973

refutatio

COMMENTAIRE DE L'OEUVRE (non-publié dans TOTH n°1)

Cette oeuvre de Sabatier fait référence à l'art de la rhétorique et traite des limites de la réinterprétation d'un message. Il faut voir l'hypergraphie référente comme l'incarnation plastique d'un discours (puisque composée d'une suite de signifiants et de signifiés) mis à disposition d'un "auditoire" privilégié à qui on offre la possibilité de répéter, de transmettre le message initial. Cependant, chacun sait qu'un propos ne reste jamais intact une fois qu'il passe par une tiers personne : il perd en précision et se retrouve souvent faussé, déformé, trituré, faisant parfois perdre au discours de base son sens original, perverti par de multiples réinterprétations.

En appliquant cette réflexion à l'Art -et à l'Hypergraphie en particulier- l'artiste propose d'intégrer le principe de la réinterprétation aux arts plastiques. Ainsi, le public, tel un auditoire visuel, est invité à reproduire le plus fidèlement possible une oeuvre hypergraphique (le discours) de l'auteur. Ce dernier a évidemment conscience du risque qu'il fait prendre à l'intégrité de son oeuvre, c'est pourquoi il recours à un procédé dépendant lui aussi de la rhétorique : la réfutation, seule solution permettant à son discours hypergraphique de garder sa forme originale.

Il y a donc quelque chose d'à la fois diabolique et ironique dans cette oeuvre. Sabatier joue avec le public en lui faisant croire qu'il est libre de réinterpréter à loisir et en toute impunité son oeuvre, avec toutes les déformations que cela implique, pour ensuite réfuter d'un simple trait ces tentatives qui ne seront jamais totalement similaires au modèle originale. Il ne laisse aux spectateurs aucune chance, finalement, de... discuter, réduisant ses efforts à néant.

Par ailleurs, l'acte de réfutation devient geste esthétique, intégré aux recherches entamées par l'artiste depuis 1969 sur la polythanasie esthétique, procédé qui consiste en des négations et des anéantissements formels précis, touchant à l'ensemble des composants d'une oeuvre.

On pourrait donc définir Partie de discours : refutatio comme une hypergraphie participative polythanasée par réfutation.

Damien Dion

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Commentaires
E
Ce texte de Damien Dion n'est pas seulement un commentaire d'oeuvre, mais un éclaircissement nécessaire pour entrer dans la profondeur du travail de Roland Sabatier. Continuez dans ce sens, c'est passionnant...
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